Environ 3 000 médecins sont agréés pour les visites médicales du permis de conduire. Chaque année 80 000 usagers passent une visite médicale dont 50 000 en dehors des commissions préfectorales. L’ enquête MedComAlcool a été réalisée en 2013 par l’INSERR auprès des médecins agréés pour les permis de conduire afin de connaître leurs pratiques lors des examens médicaux pour évaluer le dépistage et la prise en compte des usages à risque d’alcool chez les conducteurs.
Sur les 2 800 médecins agréés retenus pour l’enquête, 1 547 ont répondu : parmi les répondants, 85% sont des hommes, 89% ont plus de 50 ans et 94% exercent en médecine générale. Cette enquête a permis d’objectiver les diverses méthodes de repérage utilisées par ces médecins pour connaître la consommation d’alcool d’un usager en commission et hors commission.
Pour mémoire, toutes les visites médicales liées à la conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants se déroulent nécessairement en commission médicale dans les locaux de la préfecture.
Informations dont disposent les médecins lors de la visite médicale pour le permis de conduire
Les pratiques sont proches en commission et en dehors des commissions.
Conformément à la circulaire du 25 juillet 2013, le médecin agréé ne doit pas avoir accès aux antécédents d’infractions de l’usager, ni au dossier médical antérieur en commission médical puisque la conservation des dossiers médicaux en préfecture est illégal. En effet le médecin du permis de conduire, comme tout médecin chargé du contrôle, est tenu au secret envers l’organisme ou l’administration qui fait appel à ses services.
Bien que ces textes existent, 60% des médecins agréés ont encore accès aux antécédents d’infractions grâce au relevé intégral d’infractions et dans la moitié des cas, les médecins ont bien accès au dossier médical conservé en préfecture pour les usagers récidivistes.
Dans 86% des cas, les médecins connaissent le motif exact de la convocation, dans 76% des cas, les résultats de l’examen psychotechnique. Les médecins ont accès aux documents médicaux apportés par l’usager dans 56% des cas.
Un questionnaire avant la visite médicale du permis de conduire est rempli par l’usager dans 30 % des cas.
Utilisation de résultats d’examens biologiques, sanguins ou urinaires, pour connaître la consommation d’alcool d’un usager
Les médecins utilisent ces résultats dans 98% des cas en commission et dans 87 % des cas hors commission.
En commission médicale les tests suivants sont utilisés : GammaGT ( 90%), CDT (88%), VGM ( 86%), ASAT-ALAT 34%, triglycérides ( 32%)
Donc un tiers des médecins prescrivent encore la recherche ASAT-ALAT, triglycérides, qui sont des marqueurs de consommation avancée (qui visent des consommations d’alcool susceptibles de déclencher une hépatite alcoolique).
La littérature montre que ce dépistage biologique n’est pas pertinent pour un repérage précoce mais surtout en cas de consommation d’alcool problématique.
Les examens recommandés sont GammaGT,CDT et VGM.
Le taux de CDT est l’examen le plus efficient mais c’est également le plus cher.
A l’occasion de cette enquête certains médecins soulignent qu’il serait bon, pour éviter la fraude que les examens type GGT, CDT, VGM ou recherche de stupéfiants mentionnent obligatoirement “à la demande de la préfecture” avec le numéro de la carte d’identité de l’usager.
Réalisation d’un examen clinique lors des visites médicales du permis de conduire
Les médecins réalisent un examen clinique dans presque tous les cas ( en commission ou hors commission).
Examen ophtalmo dans 98% des cas
Recherche de pratiques addictives dans 95% des cas
Examen clinique neurologique dans 91% des cas
Recherche de signes de troubles psychiatriques dans 70% des cas
Examen orthopédique dans 70% des cas
Examen clinique pneumologique dans 69% des cas
Recherche de troubles métaboliques dans 63% des cas
Examen clinique ORL dans 41% des cas
Examen clinique cardio vasculaire dans 21% des cas
Examen clinique : 100 pourcent
L’enquête a interrogé les médecins pour savoir quels signes ils recherchaient lors de l’examen clinique pour faire le diagnostic de la consommation d’alcool : dans la plupart des cas, les médecins se basent sur la grille de Lego pour définir le profil éthylique. Cette grille énumère une série de signes physiques qui permet de décrire le profil éthylique : haleine, teint, varicosités, sudation, tremblement. Chaque signe est noté de 1 à 5, une note de 7/30 indiquerait un sujet alcoolique ( cette grille de Lego a été utilisée en milieu de travail dans les années 80-90 pour déterminer la prévalence de buveurs excessifs et malades alcooliques. ). Cette grille permet de repérer des consommateurs à un stade avancée, une intoxication alcoolique chronique.
Cet grille de Lego ne fait pas partie des outils recommandés de nos jours pour le repérage des problèmes d’alcool, mais elle figure toujours dans des supports distribués au sein des Préfectures (ces supports doivent donc être révisés).
Les médecins se réfèrent également aux éléments présents dans le dossier, aux ordonnances, qui peuvent révéler des pathologies dans lesquelles l’alcool joue un rôle possible.
Comparer la consommation du conducteur aux seuils de risques de l’OMS
Le médecin se base sur la déclaration de l’usager dans 90% des cas pour évaluer sa consommation d’alcool. Pour cela il utilise très rarement un questionnaire préétabli (dans 14% des cas en commission et 18% des cas hors commission)alors que ces questionnaires standardisés pour le repérage précoce de la consommation d’alcool sont recommandés par l’OMS.
Lorsqu’un questionnaire est utilisé c’est le questionnaire FACE dans la moitié des cas, puis AUDIT dans 20% des cas, CAGE 20%, AUDIT-C dans 10% des cas.
Le questionnaire FACE permet en 5 questions de classer les patients selon un risque faible ou nul, une consommation excessive probable, une dépendance probable.
En dehors de ces questionnaires, le médecin peut quantifier la consommation du conducteur grâce à d’autres techniques exploratoires ( faire raconter une journée type, ou lui faire lister dans un tableau ce qu’il a bu pendant la semaine, etc).
Recours à un avis spécialisé pour évaluer la consommation d’alcool de l’usager
Dans environ 60% des cas ( en commission et hors commission) pour évaluer la consommation d’alcool de l’usager, le médecin prend l’avis d’un autre professionnel de santé (addictologue, psychiatre, psychologue, hépatologue, médecin généraliste, etc)
En commission les médecins font tout autant appel à un addictologue qu’à un psychiatre. Alors que hors commission les liens sont plus fréquents avec le réseau des addictologues.
Utilisation de l’éthylotest lors des visites médicales du permis de conduire
L’éthylotest est utilisé dans 34% des cas en commission mais rarement hors commission
Utilisation des résultats de l’examen psychotechnique
En dehors des obligations réglementaires, les médecins agréés peuvent recourir aux tests psychotechniques ( la circulaire du 3 août 2012 rappelle que les médecins peuvent recourir aux tests psychotechniques pour évaluer les fonctions cognitives de l’usager).
L’utilisation de l’examen psychotechnique dans la prévention des accidents est ancienne mais aucun texte ne précise les outils à utiliser en France.
Ces tests ne visent pas une évaluation de l’imprégnation alcoolique mais une mesure des conséquences de l’alcool sur les fonctions cognitives et autres altérations au niveau du comportement.
La moitié des médecins qui ont répondu à l’enquête n’utilisent pas les tests psychotechniques pour évaluer la consommation d’alcool de l’usager.
Cette étude souligne le manque de concertation entre les médecins et les psychologues des centres de tests.
En commission préfectorale, les médecins détectent l’abus ou l’usage nocif d’alcool chez 3 usagers sur 10 et une dépendance chez environ 2 usagers sur 10.
Néanmoins, il est indispensable de développer le repérage précoce à l’occasion de ces visites médicales et l’intervention brève, RPIB. En effet, les textes réglementaires incitent les médecins à aller au delà de la décision d’aptitude, notamment par des actions de prévention. L’intervention brève permet de réduire les complications liées à l’alcool chez les personnes qui ont une consommation d’alcool à risque mais sans dépendance. 70% des médecins agréés interrogés lors de cette enquête ne connaissaient pas le RPIB, leur formation dans ce domaine doit donc être renforcée.
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